Paris : Périphérique parisien, à quoi sert vraiment la réduction de la vitesse autorisée ?

17 Jan
J’ai souvent déploré que les enjeux sanitaires ne soient pas toujours pris en considération dans les décisions relatives à l’urbanisme, à l’aménagement du territoire ou à l’environnement. A contrario, il arrive que les risques sanitaires servent de prétexte pour justifier des décisions qui en réalité sont motivées par d’autres raisons. On peut se demander si ce n’est pas le cas de la réduction de la vitesse maximale autorisée sur le boulevard périphérique de Paris qui est passée de 80 km/h à 70 km/h depuis le 10 janvier. Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris, a d’ailleurs déclaré qu’elle reviendrait sur cette mesure si elle est élue.
Pour justifier cette demande, la mairie de Paris met de l’avant qu’elle fera baisser les polluants atmosphériques « jusqu’à 5 % ». Pour pouvoir en juger objectivement, le dossier devrait fournir des réponses aux questions suivantes, ce qui n’est pas le cas :
–          De quels polluants parle-ton ?
–          La réduction alléguée concerne-t-elle les quantités de polluants émis ou leur concentration telle qu’elle est respirée (et par qui ?) ?
–          Quel sera l’impact de la réduction espérée de la pollution atmosphérique sur la santé, notamment celle des quelque 100.000 riverains du périphérique (il existe des méthodes éprouvées pour le quantifier) ?
–          Quelle est la durée moyenne quotidienne et annuelle pendant laquelle il est possible de rouler à la vitesse maximale autorisée ? Combien de véhicules roulent effectivement à cette vitesse ?
–          Qu’en est-il de l’effet de cette mesure sur la fluidité du trafic ?
–          Pourquoi avoir choisi la norme de 70 km/h et non 60 ou même 50 km/h ?
Le même raisonnement peut s’appliquer à une autre justification de cette mesure : la réduction du bruit. Un troisième argument est aussi avancé : la réduction du risque accidentel. On est ici sur un terrain plus solide, la relation entre ce risque et la vitesse étant bien établie. Mais comme le faisait remarquer le bilan publié par Le Monde, le nombre de décès est inférieur à 10 chaque année et comme l’indique Claude Got, un expert reconnu en accidentologie, membre du comité d’experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR),  « Quand les vitesses n’étaient pas très bien respectées à 80 km/h, il y avait jusqu’à 20-25 tués par an. Désormais, on en est à deux ou trois tués, principalement des motards qui circulent entre les files et qui seront donc peu impactés par la mesure ».
Mon but n’est pas de remettre en cause le bien-fondé de cette décision même si en l’état, ses bénéfices sont bien incertains. Mais elle m’inspire trois remarques. D’abord, les avantages sanitaires d’une mesure de ce type devraient être mieux étayés pour asseoir sa légitimité et créer de la confiance sur les intentions poursuivies. Du coup, les opposants ont beau jeu de dénoncer une démagogie électoraliste comme le signalait l’article du Monde. Ensuite, la décision serait plus convaincante si elle s’inscrivait au sein d’un programme global d’amélioration de la pollution atmosphérique en région parisienne, en particulier celle qui est d’origine automobile. Car en tout état de cause, une mesure ponctuelle ne peut guère avoir d’effets significatifs sur ce problème, ce que souligne l’avis de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME). Enfin, si les enjeux d’accident et de santé sont marginaux, quelles sont alors les véritables motivations de cette demande formulée par la mairie de Paris ?
Ce n’est pas un bon service rendu à la santé publique que de laisser ouverte cette question. Et s’il s’agissait vraiment de santé publique, pourquoi le ministre chargé de la santé n’a-t-il pas signé le décret ? On est encore loin d’une véritable intégration des enjeux de risques sanitaires dans les politiques publiques. (…)
Sources from William Dab

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