La maire de Saint-Ouen lors de la rencontre des.collectifs d’habitants à la mairie (SZ)
Le ministre l’intérieur vient d’annoncer une troisième vague de création de ZSP pour début 2014. Saint-Ouen a été l’une de ces premières Zones de sécurité prioritaires dessinées en septembre 2012 pour lutter contre la délinquance. Dans cette commune limitrophe de Paris, c’est contre le trafic de drogue qui gangrène certaines cités et rues passantes que sept quartiers ont été ciblés. Présence de CRS, descentes et arrestations de dealers, saisies régulières de cannabis et d’armes… Lundi 9 décembre encore, deux kalachnikovs, une centaine de munitions et 2,5 kilos de résine ont été saisis chez une nourrice. Et pourtant le trafic ne faiblit pas et les acheteurs continuent à affluer dans cette banlieue de Seine-Saint-Denis.
En quête de solutions contre ce fléau, Jacqueline Rouillon, maire Front de gauche de la ville, continue à réclamer des effectifs policiers supplémentaires mais multiplie aussi les initiatives encourageant la mobilisation des habitants. Mardi 10 décembre, elle avait organisé en mairie une rencontre entre habitants de la ville et deux collectifs citoyens venus l’un de Villiers-le-Bel (Val d’Oise), l’autre des quartiers Nord de Marseille. Tous deux mobilisés contre les violences dans les quartiers populaires. Mme Rouillon est persuadée que de ces échanges d’expériences de mobilisation citoyenne peut naître le sentiment « qu’on est plus fort ensemble pour résister ». Quelque 200 personnes étaient massées dans la grande salle de l’hôtel de ville pour dire leurs peurs et leurs espoirs.
Mines rébarbatives et regards inquisiteurs
Car c’est d’abord la peur qui fait bouger, disent les responsables des collectifs. Cette souffrance quotidienne de voir son hall occupé jour et nuit, de craindre ces contrôles d’identité par les « chouffeurs » (guetteurs). La peur de voir ses enfants évoluer dans cet univers étouffant fait de surveillance, de mines rébarbatives et de regards inquisiteurs. Et surtout de les voir tomber dans ce business qui ne rapporte qu’un petit smic à ces mômes qui font les trois huit en bas des tours. Ou plus grave encore, la trouille des balles perdues lors des règlements de compte qui font entendre les gros calibres au bas des cités. « La dernière fois à Malpassé, en mars, ça s’est passé sous mes fenêtres et s’il n’y avait pas eu une camionnette garée devant… », souffle Mokhtaria du collectif du 1er juin, un regroupement d’habitants marseillais.
Ces trois démarches citoyennes ont été lancées par les femmes du quartier, les mères qui disent leur ras-le-bol, interpellent le maire, crient leur rage de voir leur environnement se détériorer sans que les autorités ne bougent. A Marseille, cela commença en mars par des réunions de prises de paroles pour faire sortir la peur. A Villiers-le-Bel, par une marche en juin 2012 quand un môme fut blessé. A Saint-Ouen, les collectifs ad hoc se sont lancés depuis deux ans en organisant des fêtes de quartier pour se réapproprier l’espace public… »L’implication des femmes est très importante, ce sont elles qui font bouger les choses. Il faut maintenant bousculer les hommes pour qu’ils sortent! », lance Abdallah militant de l’Amicale Pasteur Emile Zola, une cité de Saint-Ouen.
L’attente à l ‘égard de l’État est énorme
A chaque fois, la prise de conscience collective a débouché sur une réflexion beaucoup plus large que la question de la drogue. On a alors parlé d’école inégalitaire, d’emplois qui ne sont jamais pour les enfants des cités, de police qui contrôle tout le temps les mêmes et reste dans ses cars toisant les jeunes qui tiennent les murs, d’équipements sportifs absents, de loisirs désuets… « Chez nous, 80% des mômes ne savent pas nager. Et la mer est à deux pas », s’agace Patrick Cassina, responsable du centre social de Malpassé à Marseille.
L’envie de voir changer l’image de son quartier, de sortir des stéréotypes sur la drogue et ses réseaux poussent alors à revendiquer: « il faut plus » d’animateurs de quartiers, de clubs sportifs accessibles, de l’accompagnement des parents à l’école, de soutien scolaire…, réclament ces habitants qui se sentent abandonnés. L’attente à l’égard de l’Etat est énorme et si souvent déçue. Surtout vis-à-vis de l’école qui exclue ces gamins qu’elle ne sait gérer, ragent plusieurs participants.
« A quoi ça sert leur ZSP ? »
Et pourtant, même si le ton est revendicatif, pas d’abattement. Des initiatives bénévoles fusent et même les jeunes s’y mettent: « on a pu parler avec les vieux et on a décidé d’aller chercher les minots pour organiser un tournoi de foot », explique Mohamed, impeccable dans sa chemise noire boutonnée jusqu’au cou. A Marseille, des jeunes majeurs ont proposé de jouer les référents aux collégiens du 13 e arrondissement « mais l’éducation nationale n’a pas réagi », assure une parente d’élève marseillaise. « On retrouve le sens du mot association depuis deux ans », se réjouit Nelly, retraitée de Saint-Ouen.
Au final, tous disent le soulagement de voir que l’impuissance ne prend pas le pas et répètent qu’ il ne faut pas lâcher ». Mohamed, jeune étudiant de Saint Ouen certifie que « les habitants ne peuvent pas arrêter le trafic mais peuvent le faire diminuer ». Un vieux monsieur – « immigré Algérien de Saint-Ouen » – se lève alors, et d’une voix de stentor, appelle à un rassemblement, le 17 décembre, devant le ministère de l’intérieur avec une pétition réclamant « une présence policière 24h sur 24 ». « Leur nombre ne cesse de diminuer depuis avril et les trafics reprennent. A quoi ça sert leur ZSP? », s’énerve-t-il. Le reste du public applaudit et crie: tout le monde sait aussi que sans une police présente, rassurante, la peur revient. (…)
Sources from Sylvia Zappi
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